JOHN DOWLAND
26 PIECES POUR LUTH

3 volumes aux Editions Billaudot
14, rue de l'Echiquier
75010 Paris

Transcription, caractère
et interprétation

Par Michel Sadanowsky

                                             

Préface
John Dowland a été un des rares compositeurs anglais de son époque dont la gloire se soit étendue à travers l’Europe. Bien que sa musique ait été presque complètement ignorée durant le XVIIIè siècle et la majeure partie du XIXè, il n'a jamais été entièrement oublié.
Le début du XXè siècle voit l’exceptionnelle qualité de son œuvre commencer à être reconnue par les érudits et les spécialistes.
Vers 1920 déjà, l'édition de ses livres de chants par Dr. E. H. FELLOWES, a permis que sa réputation de compositeur soit bien établie. Mais il a fallu attendre le renouveau du luth et la reconnaissance de son importance comme instrument soliste pour qu’on puisse entendre la musique de Dowland pour luth seul en dehors du petit cercle des amateurs de musique ancienne.

Ecriture
Un siècle avant J.S. BACH, John DOWLAND témoigne d’une générosité et d’une maîtrise rare de l’écriture musicale et de son émotion.
L’observation de l’ensemble de son œuvre met en lumière des constantes d’écritures qui permettront de dégager des constantes techniques.
L’écriture de DOWLAND s’appuie sur quatre points principaux :
- Une structure harmonique, généralement simple, avec modulations
- Une mélodie, qui se tient le plus souvent à l’aigu
- Un contrepoint, préfigurant le style fugué
- Des variations, souvent en gammes, explorant en général fidèlement la structure harmonique
L’œuvre se décompose en plusieurs groupes aux caractères musicaux différents : Fantaisies, Pavanes, Gaillardes, Allemandes, Gigues, Courantes, Voltes, Chansons et Ballades.

 

Caractère et Interprétation
Dansante, triomphale, mélancolique ou narrative, la musique de DOWLAND se conçoit dans la clarté et la simplicité.
La ligne mélodique sera toujours limpide, le contrepoint au deuxième plan, le tout sur une structure de basses très affirmée.
Le caractère et l’interprétation se préciseront de par l’appartenance des oeuvres à l’un des groupes et par ce qu’il faudra en déduire.

 

Technique
Il est bien sûr inutile d’essayer d’imiter la technique luthistique lorsque l’on est guitariste. Il convient cependant d’en dégager les caractéristiques afin de reproduire celles-ci avec les meilleurs moyens autorisés par la guitare.
Si la technique de la main gauche est très proche, celle de la main droite diffère sur bien des points.

·         Petit doigt posé sur la table du luth, dans un souci de stabiliser la main

·         Attaque généralement sans ongle

·         Alternance index-pouce souvent utilisée dans les gammes

·         Son clair

·         Peu ou pas de liaisons

Le guitariste aura donc à développer les points suivants :
- Stabilité de la main droite (pouce sur une corde ?)
- Précision et clarté dans les gammes
- Maîtrise de la polyphonie. Le contrôle des voix sera déterminant dans l’interprétation.

Certains luthistes, comme certains guitaristes, ont travaillé le contrôle des basses par le pouce. Ceci sera toujours, toutes musiques confondues, un élément clarificateur du discours instrumental.

 

Un certain nombre de compositions pour luth de Dowland ont alors été éditées, mais beaucoup sont longtemps restées ensevelies dans l'obscurité des manuscrits originaux et de nombreuses oeuvres de qualité ne sont pas encore portées au catalogue général.

Grâce à l’excellent travail de collecte réalisé par Diana Poulton et Basil LAM, j’ai pu faire ces transcriptions avec un maximum d’exactitude. L’observation de l’ensemble de l’oeuvre instrumentale de John DOWLAND m’a permis de mettre en évidence l’existence de trois niveaux nettement différenciés d’écriture et de difficulté technique. Ces trois volumes sont la concrétisation de cette observation, la sélection s’étant faite sur les plus belles pièces dans chacun des niveaux.

 

Transcription
L’écriture contrapuntique a ses exigences. La restitution de plusieurs voix en respectant leur conduit pose parfois des problèmes au transcripteur.
Dans un souci de pragmatisme instrumental, la valeur théorique de certaines notes que l’on ne peut tenir a été écrite en valeur réelle.
Les doigtés ont été réalisés pour aider au maximum la lecture et l’apprentissage des pièces. Si plusieurs solutions sont possibles, la préférée est notée dans la continuité des doigtés des notes précédentes.
Dans la notation des positions de barrés de la main gauche en chiffres romains, les chiffres en position d’exposant qui les accompagnent parfois indiquent le nombre de cordes qu’il est nécessaire de barrer. Lorsqu’il s’agit d’un petit i en position d’indice, cela suggère de réaliser un barré sur les trois ou quatre cordes intérieures.
Enfin, il existe plusieurs versions de certaines pièces. Le choix de la version transcrite s’est toujours porté sur la plus aboutie.

Il est possible de retrouver le timbre du luth en positionnant un capodastre à la troisième case, afin de retrouver l’accord de l’époque. (En fait, le diapason ayant évolué, un positionnement à la deuxième case serait suffisant). Cette action donnera un timbre et une clarté qui rappelleront le luth.
La plupart des pièces ont été transcrites avec la troisième corde en Fa#, retrouvant en cela l’accord du luth renaissance. Pourtant, dans les tons de La, Ré ou Do, j’ai souvent préféré l’accord original de la guitare qui convient mieux aux positions naturelles de ces tonalités.

 

J’insisterai ici sur la nécessité de poser une réflexion sur la technique des liaisons instrumentales, que je distinguerai des liaisons musicales. Si musicalement, elles sont utilisées pour articuler certaines phrases, techniquement, elles masquent souvent les carences du guitariste dans les gammes. Forcées, peu contrôlées dans leur définition, les liaisons sont parfois prétexte à des déplacements sur une même corde pour reproduire une articulation, sans considération du fait qu’une corde raccourcie est appauvrie en harmoniques, donc en clarté.

Plutôt que de réaliser une liaison, il m’apparaît davantage nécessaire de conserver les idées qu’elle suggère, c’est-à-dire de jouer legato et articulé. N’ayant pas d’archet pour définir les notes liées d’une manière relativement égale, le guitariste, comme d’autres instrumentistes à clavier qui ne disposent pas des liaisons guitaristiques, saura accentuer avec contrôle une note d’articulation, développera un jeu précis, coordonné, exprimant legato ou staccato et n’utilisera qu’avec précaution et jugement l’emploi d’une liaison.

Dans ces transcriptions, les quelques liaisons marquées en pointillé sont celles que l’on peut envisager techniquement comme aide à la main droite. Certaines réunissent deux notes de même hauteur, généralement des basses, qui m’ont paru devoir être liées bien qu’elles ne le soient pas dans le texte original.

Sources
" THE COLLECTED MUSIC OF JOHN DOWLAND " de Diana POULTON et Basil LAM, chez FABER MUSIC LIMITED à LONDRES a été l’ouvrage de référence qui m’a permis de réaliser ces transcriptions. Je renouvelle mes remerciements aux auteurs pour la précision et le sérieux de leur travail.

 

La vie de John Dowland

·         1563 : Naissance de John DOWLAND

·         1580 : Il se rend à Paris au service de Sir Henry Cobham, Ambassadeur à la Cour du Roi de France Henri III.

·         1586 : retourne probablement en Angleterre durant cette année.

·         1588 : est mentionné par Dr. John Case parmi les musiciens les plus célèbres de son temps dans Apologia Musices.

·         1594 : Sa demande de poste à la cour étant rejetée, il quitte l’Angleterre avec un permis de voyager à l'étranger délivré par Sir Robert Cecil et le Comte d’Essex. Il rend visite au Duc de Brunswick et au Landgrave de Hesse, puis voyage vers le sud avec l'intention de visiter Luca Marenzio à Rome. Il joue devant le Grand Duc de Toscane à Florence, mais quitte la ville précipitamment quand des catholiques anglais exilés essaient de l'impliquer dans un complot contre la Reine. Il retourne en Allemagne.

·         1596 : Revient parfois à la Cour du Landgrave de Hesse durant cette année. Sept de ses compositions paraissent dans " The Barley’s New Booke of Tabliture " sans sa permission. Il les qualifie de " faux et imparfaits ".

·         1597 : " The First Booke of Songes " entre au Registre de l’Imprimerie Nationale. Dowland s’y décrit lui-même sur la page de garde comme "Bacheler of Musicke in both the Universities".

·         1598,  9 février : se voit offert un poste à la cour du Langrave de Hesse.
6 juillet : se rend à la Cour de Christian IV du Danemark.
18 novembre : commence ses devoirs de luthiste royal à la Cour danoise avec un excellent salaire, dont le montant inhabituel est attribué à son génie par Francis Meres dans Palladis Tamia.

·         1600, 15 juillet : " The Second Booke of Songes " entre au Registre de l’Imprimerie Nationale. John DOWLAND revient en Angleterre durant cette partie de l'année acheter des instruments et engager d’autres musiciens pour la Cour Danoise. Réimpression du " First Booke of Songes ".

·         1601, 6 juin : le Roi danois lui offre un portrait de Sa Majesté Royale en or massif.

·         1602-3 : semble vivre surtout en Angleterre

·         1603 : " The Third and Last Booke of Songes " entre au Registre de l’Imprimerie Nationale. Deuxième réimpression du " First Booke of Songes ".

·         1604 : " Lachrimae or Seaven Teares " entre au Registre de l’Imprimerie Nationale. Semble être revenu au Danemark pour toucher des arriérés de salaire.

·         1605 : John DOWLAND est assailli toute l’année par des problèmes d'argent.

·         1606, 10 mars : il est congédié de la Cour de Danemark en l’absence du Roi en visite au Duc de Brunswick. Troisième réimpression du " First Booke of Songes "

·         1608 : Quatrième réimpression du " First Booke of Songes ".

·         1610 : Le " Varietie of Lute-Lessons " est imprimé. Il contient neuf morceaux de Dowland avec une traduction des " Observations nécessaires sur le jeu du luth " par Besardus, et les propres " Autres Observations Nécessaires sur le Luth " de Dowland.

·         1611, 28 octobre: DOWLAND est maintenant luthiste de Lord Walden en Angleterre.

·         1614, 14 février : Joue durant les festivités du mariage de la Princesse Elizabeth. Robert Johnson reçoit £45 pour écrire les chansons et la musique, Dowland est payé £2 pour jouer.

·         1614 : Pour la première fois, il est appelé Dr. John Dowland.

·         1624 : Dowland est cité avec Byrd, Bull, Morley et "le reste de nos artistes rares", par William Webb dans un poème appartenant au "Francis Pilkington's Second Set of Madrigals ".

·         1626, 20 janvier : Reçoit son dernier salaire. Son fils Robert le remplace à son poste à la cour.
20 février : Décès. La mention "John Dowland, Docteur of Musicke" est portée sur le Registre des Décès de St. Anne, Blackfriars.